L'A320 et l'ILS
Préambule
La facilité consistant à garder le pilote automatique enclenché jusqu'à l'atterrissage ne reflète en rien la réalité d'un vol dans 99,9 % des cas.
La plupart du temps, l'équipage reprend à la main l'avion en déconnectant le pilote automatique pour procéder à l'atterrissage.
Les rares fois où l'avion se posera seul (mais néanmoins étroitement surveillé par l'équipage) seront les fois où il ne peut pas faire autrement et très probablement à cause des conditions météorologiques régnantes sur l'aérodrome de destination.
Quelques faits / rappels / nouveautés (selon votre degré de connaissances)
1 - On peut regrouper les approches en 4 grands types :
- Les approches de précision : ce sont des procédures qui intègrent un guidage latéral et vertical. Elles regroupent essentiellement les ILS (mais aussi quelques approches Radar et certaines RNAV).
- Les approches à guidage vertical (essentiellement les approches RNAV)
- Les approches de non précision (certaines RNAV et les approches conventionnelles, NDB, VOR, etc...)
- Les évolutions à vue (approches à vue, manœuvres a vue MVI ou MVL, et encore certaines RNAV)
2 - Dans les approches ILS, on va trouver des approches CAT I, CAT II, CAT IIIA, CAT IIIB ou CAT IIIC.
3 - Le choix de l'approche à mener est directement lié aux conditions météorologiques sur l'aérodrome de destination et n'est pas forcément "à la main" de l'équipage.
4 - Dès que les conditions pour effectuer un ILS CAT I ne sont plus réunies (base des nuages inférieure à 200 ft et/ou visibilité inférieure à 550 m, un seul de ces paramètres est suffisant), on parle alors d'opérations par faible visibilité (Low Visibility Procedures, LVP).
5 - Pour effectuer une approche ILS en conditions LVP, il faut réunir 4 conditions :
- Le terrain d'arrivée est équipé pour et de telles procédures sont en cours d'utilisation (LVP en vigueur sur le terrain et annoncé par radio ou sur l'ATIS)
- L'équipage a suivi une instruction et a été entrainé pour ce type d'approche
- L'avion "sait faire" et ses conditions d'équipement sont remplis (l'A320 est capable d'effectuer des approches CAT IIIB mais pas de CAT IIIC, certains appareils ne sont capables que de la CAT II voire de la CAT I [TBM 700])
- La compagnie est autorisée par l'administration à réaliser ce type d'approches
6 - En respectant toutes les conditions précédentes, un atterrissage automatique peut néanmoins ne pas être réalisable pour d'autres raisons comme un vent trop fort (nous retiendrons en première approximation et dans un souci de simplification que pour la famille A320 et ses dérivés, dans le cas d'un atterrissage automatique, est limitée par le triptyque "10/20/30", 10 nœuds de vent arrière, 20 nœuds de vent travers, 30 nœuds de vent de face (au sol). Au-delà de ces valeurs de vent, l'atterrissage automatique n'est pas certifié (et ne devrait pas être tenté).
7 - Dans certaines conditions (normales) et en appliquant une procédure spéciale, un atterrissage au-delà de la masse maximale à l'atterrissage (MLW) est possible sur la famille A320… mais pas un atterrissage automatique et donc pas un atterrissage en conditions LVP. Ce qui veut dire que dans le cas d'un décollage en conditions LVP avec une charge (carburant + passagers + fret) suffisamment élevée pour être au-dessus de la MLW, en cas de panne au départ, vous ne pourrez pas revenir vous poser sur votre terrain de départ avant d'avoir atteint votre MLW. Il faudra alors, avant de décoller, avoir choisi un terrain de dégagement au décollage dont les conditions météoritiques vous permettront un atterrissage CAT I (certains appareils de la famille A320 sont néanmoins capables de faire un atterrissage automatique jusqu'à 67 voire 69T).
Comment savoir si l'aérodrome est équipé d'un ILS CAT III ?
En étudiant la fiche d'approche !
L'ILS 25L à Brest est CAT III, l'ILS 28 à Rennes ne l'est pas (ni CAT II, donc uniquement CAT I).
Donc à Rennes, avec moins de 200 ft de plafond et/ou moins de 550 m de visibilité, on ne peut plus se poser et il faut dérouter (on ne peut même pas réglementairement tenter l'approche si l'on sait que les conditions ne sont pas réunies).
Qu'est-ce que ça implique pour un aérodrome d'être équipé CAT III et LVP en vigueur ?
Le plus gros point, c'est une réduction drastique de capacité en termes de mouvements sur la plateforme aéroportuaire (et donc une limitation du nombre d'arrivées et de départs, générant ce que l'on appelle des créneaux c'est-à-dire des heures imposées de départ ou d'arrivée générant des retards pouvant se traduire en plusieurs heures).
Lors d'une approche automatique, l'avion est guidé sans intervention de l'équipage (si ce n'est la sortie des trainées, volets et trains d'atterrissage et une surveillance accrue du comportement de l'avion) depuis le début de la procédure jusqu'à, éventuellement, son arrêt complet sur la piste. Une approche automatique requiert donc que la faisceau radio qui guide l'aéronef jusqu'au sol soit fiable à 100% et ne soit jamais perturbé par le passage par exemple d'un véhicule ou d'un autre avion coupant l'axe de piste au roulage. Cela sous-entend qu'il n'y aura pas d'aéronef qui vous précède et effectue l'ILS quelques NM devant vous ou qu'un avion décollera de la piste sur laquelle vous vous apprêtez à atterrir. Pour s'assurer que les autres avions au sol ne viendront pas perturber le faisceau ILS, les points d'arrêts sont même reculés par rapport à la piste.
Cela sous-entend aussi, par exemple, que l'alimentation électrique de l'aéroport n'est plus la même que lorsque les opérations sont normales. En effet, en cas de perte du réseau électrique il faut une solution de changement d'alimentation immédiat pour ne pas mettre en péril la trajectoire d'un aéronef qui serait en train d'atterrir.
De la même façon, un ILS CAT III ne sera pas vérifié et/ou calibré à la même fréquence qu'un "simple" ILS CAT I (et son entretien sera largement plus couteux).
Enfin, lors d'un atterrissage automatique, l'équipage demandera aux passagers d'éteindre tous leurs appareils électroniques de façon à minimiser les risques de perturbations électroniques.
Toutes ces remarques n'ont qu'un but : sans accord du contrôle aérien qui aura eu le temps de prendre en amont toutes les mesures nécessaires pour que vous puissiez effectuer une approche automatique en toute sécurité (suivant sa disponibilité), il devrait être inimaginable qu'un équipage envisage pouvoir faire une approche automatique "sauvage" (à titre d'instruction par exemple).
C'est malheureusement déjà arrivé, entre autres à un équipage d'un Boeing 777 de Singapore Airlines, à Munich, qui avait décidé, en raison de conditions météo qu'il jugeait mauvaises, de sa propre initiative de faire un atterrissage automatique alors que l'aéroport n'était pas en conditions LVP. Il a été établi que le faisceau ILS avait été perturbé par la dérive d'un avion au roulage et le PA du B777, déjà posé au sol, censé garder l'appareil au centre de la piste, a, au contraire, initié une sortie de piste avec le résultat ci-dessous.
Donc pas d'atterrissage automatique si le contrôle n'est pas au courant et/ou ne vous y autorise pas !
Quelles différences dans la préparation d'une approche CAT I vs CAT III ?
Dans la préparation, pas grand-chose.
Dans la préparation, ce qui changera sera l'introduction des minima dans la page PERF APPR.
Dans le cas d'une approche CAT I : on introduira dans la ligne MDA (ou BARO), la valeur des minima que l'on retrouve sur la fiche d'approche du terrain.
Pour reprendre la fiche de Brest, pour l'ILS 25L, on introduira la valeur de 520 ft.
(A noter que le CAT visible sur le côté gauche du tableau ne correspond pas à la catégorie d'approche, mais à la catégorie de l'avion qui détermine les minima opérationnels pour chaque avion, la famille 320 faisant partie de la CAT C. Sur certaines fiches d'approche, vous pourrez voir des minima différents suivant la catégorie d'aéronef comme pour la colonne MVL du présent document, il faudra alors choisir le bon).
On retrouve sur cette fiche, les valeurs mini de la CAT I (les 200 pieds de hauteur entre parenthèses correspondant aux 520 pieds d'altitude [le seuil de la 25L à Brest est à 312 pieds] et les 550 m de visibilité).
Dans le cas d'une approche CAT III : on introduira dans la ligne DH (ou RADIO), la valeur minimale pour laquelle l'avion est autorisé, soit inférieure à 50 ft. Nous prendrons comme exemple une DH à 20 ft. Cette fois-ci on parle bien d'une hauteur (à lire sur la valeur de la sonde) alors que pour la CAT I, on parlait d'une altitude, à lire sur le bandeau des altitudes, côté droit du PFD.
Pour la petite histoire, certains équipements du terrain peuvent être en panne pour une approche CAT III alors qui ne peuvent l'être pour une approche CAT I. Exemple, la rampe d'approche. On pourrait se dire que lors d'une approche CAT III, la météo est forcément moins bonne que lors d'une approche CAT I et donc qu'on aurait besoin du plus d'aides visuelles possibles, mais lors d'une approche CAT III, la décision de poursuivre l'atterrissage se formalise à 20 pieds dans notre exemple (la vue d'une seule balise allumée est suffisante pour décider d'atterrir) alors que l'avion est déjà au-dessus de la piste (le plan est calé pour survoler le seuil à 50 ft) en ayant déjà passé la rampe d'approche qui est donc inutile. En revanche, lors d'une approche CAT I, si on ne voit rien il faut remettre les gaz à 200 ft et là, la rampe sera d'un grand secours pour poursuivre jusqu'à la piste si on la voit !
Quelles différences dans la réalisation d'une approche CAT I vs CAT III ?
On pourrait presque dire que ça n'est pas la même approche !
Alors que pour du CAT I, l'approche pourrait être menée sans aucun automatisme, c'est-à-dire, "à la main" (ni AP, ni ATHR, ni FD ou une conduite hybride avec seulement certains automatismes), ils sont obligatoires pour une approche automatique, avec même les deux AP enclenchés pour que la défaillance de l'un soit compensée par l'autre immédiatement. La panne de l'un des automatismes entraîne de facto l'impossibilité et l'interdiction de réaliser une telle approche (de la même façon, qu'une panne entrainant l'affichage de la ligne CAT 3 sur la page Status).
Lors de l'approche CAT I, aux minima (200 ft /sol), il faudra décider si les conditions permettent de poursuivre l'approche et dans ce cas couper l'AP (au plus tard à 160 ft/sol) pour poursuivre l'atterrissage en manuel.
L'approche CAT III avec atterrissage automatique étant particulièrement axée sur la surveillance des systèmes, un briefing en conséquence aura été réalisé au sein de l'équipage avec une répartition des tâches de chacun.
Pour la réalisation, l'équipage aura des points de rendez-vous sur sa trajectoire qui s'ils ne sont pas atteints entraineront une remise des gaz.
Quand l'avion sera autorisé approche, sur une trajectoire d'interception de la course d'approche finale avec le losange LOC visible, on pourra presser la touche APPR sur le FCU. Cela armera les modes LOC et G/S (et l'on vérifiera bien au FMA que l'affichage est conforme).
Les deux AP seront engagés et le FMA affichera la capacité de l'approche possible (jusqu'à 5000 ft/sol, ce sera CAT 1, puis en dessous de 5000 ft, CAT 2, puis CAT3 Single et CAT 3 Dual). Attention, cet affichage ne donne pas la catégorie de l'approche en cours mais bien la capacité de l'avion à l'effectuer (ce qui veut dire que si durant toute l'approche vous avez CAT 2 affiché à la place de CAT 3 Dual, vous ne pouvez pas effectuer une approche CAT III).
Lors du dernier palier, on poursuivra la réduction de vitesse, on sortira les traînées en conséquence et on surveillera la capture du LOC puis du GLIDE. On affichera alors l'altitude de remise des gaz (pour Brest, on affichera 3000 pieds au FCU). A la capture du GLIDE, on vérifiera que le point de mise en descente est conforme (pour Brest, on débute bien la descente à 5,3 NM ILS/2000 pieds) et ne diffère pas excessivement de la fiche de procédure (seules des températures très froides ou très chaudes peuvent expliquer une différence notable de distance lors de la mise en descente).
On s'attachera à confirmer les Call-out de l'avion (1000, 500, 400, 300, 200, hundred above, minimum), il peut en manquer un dans certaines circonstances... mais pas deux.
A 350 ft, on s'attend à voir LAND affiché au PFD.
A 40 ft, le mode FLARE s'engagera avec affichage au PFD.
A 30 ft, l'ATHR commencera à réduire la poussée.
A 10 ft, au Call-out RETARD, réduire la poussée si l'atterrissage est poursuivi (vue d'une balise lumineuse au sol).
Au toucher des roues, affichage ROLL OUT au PFD et surveillance de la trajectoire de l'avion qui doit rester au centre de la piste, passage des Reverses par le pilote aux commandes.
Surveillance de la sortie automatique des Spoilers, de la mise en œuvre de l'autobrake et de la décélération de l'avion.
Si tout va bien, l'avion s'arrêtera de lui-même au milieu. Pour dégager la piste, il faudra couper l'AP.
Une bonne pratique consiste avant l'approche de calculer sa distance d'atterrissage, ce qui permettra de savoir à peu près ou l'avion s'est arrêté et quelle sera notre prochaine bretelle pour dégager la piste (rappelez-vous que vous pouvez n'avoir que 50m de visibilité lors d'un atterrissage automatique. C'est suffisant pour ne pas savoir où l'on est, même sur un terrain que l'on pratique régulièrement).
Si pour une raison ou une autre, une des actions citées au-dessus ne se déroule pas comme prévu, si un voyant d'alarme ou le voyant Autoland s'allume, la remise des gaz est obligatoire.
A noter que le système Autoland surveille beaucoup plus de paramètres lors d'une approche automatique (comme la fiabilité des signaux reçus etc.) et est donc plus à même de générer une alarme qui devra entrainer une remise des gaz.
Enfin pour si une remise des gaz est initiée aux minima (pas de vue d'une balise), on a toutes les chances de toucher la piste et que l'AP saute de lui-même.